Les illustrateurs de Philippe Ebly (4)

 

Matha Dor

Victor de la Fuente est l'un des plus grands illustrateurs de la Fantasy, aux côtés de Frazetta, Valejo, Parkinson et bien d'autres géants. Né en 1924 en Espagne, il s'en va au Chili travailler dans la publicité, puis, pour gagner mieux sa vie, part aux États-Unis. Il dirige la revue pour la jeunesse chilienne El Peneca tout en dessinant pour l'éditeur américain prestigieux Dell, qui publie alors entre autres les Tarzans et les Donald Duck de chez Disney.

El intrepido peneca Sunday: El Capitan Siniestro

En 1959, De la Fuente revient en Europe et publie son western Sunday dans le Nouveau Tintin magazine. Dargaud et Hachette publient deux odyssées à mi chemin entre la Fantasy et le Post-apocalyptique Haxtur et Mathaï-dor prépubliés dans la revue espagnole Trinca, et tout en dessinant des récits horrifiques pour les revues américaines Eerie et Creepy, Victor de la Fuente persiste et signe un nouveau récit phare d'Heroic Fantasy dans la revue A suivre (Casterman), qui publie Haggarth à partir de son numéro 4. Il enchaîne Les gringos scénarisés par Charlier, puis il publie dans Pilote les Anges d'Acier. Victor de la Fuente travaille aussi pour un public plus familial en collaborant à l'Histoire de France en bande dessinée, et va jusqu'à dessiner des récits historiques dans Okapi, la revue pour la jeunesse de Bayard Presse. Après sans doute une déception professionnelle de trop, De la Fuente se retire de l'édition et, demeurant dans l'intervalle en région parisienne, disparaîtra en 2010.

Haxtur: Les peuples de la nuit Haxtur: Les peuples de la nuit

Le trait de Victor de la Fuente est parfait, nerveux, et imprime parfaitement chez son lecteur toute la gamme des émotions de la Fantasy, de l'Aventure et et de la Science-fiction Post-Apocalyptique... Et cela tombe plutôt bien puisqu'à l'époque où il reprend le flambeau passé par Angel Arias-Crespo, Philippe Ebly enchaîne le troisième épisode de sa trilogie post-apocalyptique de la Grande Peur, ainsi que des épisodes des Évadés du temps très accès sur l'Heroic Fantasy. Et l'Heroic Fantasy est devenue extrêmement populaire alors grâce les jeux de rôles et les livres jeux type "dont vous êtes le héros". Seule inconnue : comment un dessinateur de bandes dessinées habitué à des formats plus adultes, va s'adapter à une collection pour pré-ados et ados comme la Bibliothèque Verte, au moment même où celle-ci semble quelque peu déboussolée ?

Les parias de l'an 2187Objectif: nulle part

Victor de la Fuente commence par illustrer Les parias de l'an 2187 (la dix-septième aventures de Conquérants de l'Impossible, et le troisième volume d'une trilogie), ainsi que Objectif: nulle part (la huitième aventure des Évadés du temps). En effet, nous sommes en 1986 et c'est l'année où Angel Arias-Crespo peut enfin vivre de sa peinture, et visiblement, il ne se sera pas attardé chez Hachette. Victor de la Fuente maîtrise l'art de la couleur et de la composition, son trait reste musclé et souple, et Souhi redevient une vraie fille. Cependant au contraire de Yvon Le Gall et de Claude Lacroix, il individualise à peine les héros, qui font un peu trop jeunes, et il lit aussi un peu trop vite le texte. De la Fuente illustre enfin la même année L'ordinateur qui semait le désordre (dix-huitième aventure des Conquérants de l'Impossible).

La montagne aux robotsL'île aux pieuvres

L'année suivante, Victor de la Fuente se charge cette fois d'illustrer les livres-jeux, fortement inspirés des Livres dont vous êtes le héros, qui sont un énorme succès d'édition chez Folio Junior dès 1982, et dont la collection commençait avec Le sorcier de la montagne de feu, de Steve Jackson et Ian Livingstone. Les illustrations couleurs à l'intérieur des livres ont disparues. Si Thibaut, Xolotl et Souhi se distinguent à peu près et font davantage leur âge, Serge joue comme par hasard à cache-cache avec l'objectif de l'illustrateur.

Et avec Victor de la Fuente s'achèvent les années fastes de la Bibliothèque Verte : les prochains épisodes n'auront plus qu'une illustration noir et blanc intérieure, répétée en tête de chapitre, et il faudra attendre les rééditions des années 2000 et les inédits chez Temps Impossible pour retrouver au fil des mots les visages des Conquérants et des Évadés.

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